Mon métier consiste à raconter des histoires aux autres.
Il faut que je les raconte.
Je ne peux pas ne pas les raconter.
Je raconte les histoires des uns aux autres.
Ou bien je raconte mes propres histoires à moi-même ou aux autres.
Je les raconte sur une scène de bois où il y a d'autres êtres humains, au milieu d'objets et de lumières.
S'il n'y avait pas de scène en bois, je les raconterais par terre, sur une place, dans une rue, dans un coin de rue, sur un balcon, derrière une fenêtre.
S'il n'y avait pas d'êtres humains près de moi, je les raconterais avec des morceaux de bois, des bouts d'étoffe, du papier découpé, du fer-blanc, avec ce que le monde peut m'offrir.
S'il n'y avait rien, je les raconterais en parlant à haute voix.
Si je n'avais pas de voix, je parlerais avec mes mains, avec mes doigts.
Privé de mains et de doigts, je les raconterais avec le reste de mon corps.
Je raconterais muet, je raconterais immobile, je raconterais en tirant des ficelles, sur un écran, devant une rampe.
Je raconterais de toutes les façons possibles car l'important pour moi est de raconter les choses aux autres, à ceux qui écoutent.
Giorgio Strehler
Ce petit texte sert d'introduction au programme de la maison de la culture de Grenoble 2003/2004 : Une saison avant les murs.
Lu sur http://pagesperso-orange.fr/mondalire/fatext33.htm
Lu sur http://pagesperso-orange.fr/mondalire/fatext33.htm