dimanche 14 juin 2009

Est-ce grave, Docteur?

C'est tout moi, ça! Si l'on me demande sérieusement quels auteurs, quels compositeurs, quels peintres j'apprécie, je suis incapable de répondre. Je n'aime jamais personne totalement, follement et sans réserve. Je peux n'aimer qu'un tableau, qu'une couleur cachée dans le coin d'une oeuvre, un visage, une ligne musicale d'une chanson, une phrase ou une strophe...
Dans ce poème - que j'apprécie d'ailleurs pour ses sonorités- j'ai craqué en lisant la dernière ligne:
" - Moi, j'écoute le son de l'eau tombant dans l'eau. "
Puis-je guérir, docteur?

THEOPHILE GAUTIER ( 1811 - 1872 )
Pluie
Ce nuage est bien noir : - sur le ciel il se roule,
Comme sur les galets de la côte une houle.
L'ouragan l'éperonne, il s'avance à grands pas.
- A le voir ainsi fait, on dirait, n'est-ce pas ?
Un beau cheval arabe, à la crinière brune,
Qui court et fait voler les sables de la dune.
Je crois qu'il va pleuvoir : - la bise ouvre ses flancs,
Et par la déchirure il sort des éclairs blancs.
Rentrons. - Au bord des toits la frêle girouette
D'une minute à l'autre en grinçant pirouette,
Le martinet, sentant l'orage, près du sol
Afin de l'éviter rabat son léger vol ;
- Des arbres du jardin les cimes tremblent toutes.
La pluie ! - Oh ! voyez donc comme les larges gouttes
Glissent de feuille en feuille et passent à travers
La tonnelle fleurie et les frais arceaux verts !
Des marches du perron en longues cascatelles,
Voyez comme l'eau tombe, et de blanches dentelles
Borde les frontons gris ! - Dans les chemins sablés,
Les ruisseaux en torrents subitement gonflés
Avec leurs flots boueux mêlés de coquillages
Entraînent sans pitié les fleurs et les feuillages ;
Tout est perdu : - Jasmins aux pétales nacrés,
Belles-de-nuit fuyant l'astre aux rayons dorés,
Volubilis chargés de cloches et de vrilles,
Roses de tous pays et de toutes familles,
Douces filles de Juin, frais et riant trésor !
La mouche que l'orage arrête en son essor,
Le faucheux aux longs pieds et la fourmi se noient
Dans cet autre océan dont les vagues toumoient.
- Que faire de soi-même et du temps, quand il pleut
Comme pour un nouveau déluge, et qu'on ne peut
Aller voir ses amis et qu'il faut qu'on demeure?
Les uns prennent un livre en main afin que l'heure
Hâte son pas boiteux, et dans l'éternité
Plonge sans peser trop sur leur oisiveté ;
Les autres gravement font de la politique,
Sur l'ouvrage du jour exercent leur critique ;
Ceux-ci causent entre eux de chiens et de chevaux,
De femmes à la mode et d'opéras nouveaux ;
Ceux-là du coin de l'oeil se mirent dans la glace,
Débitent des fadeurs, des bons mots à la glace,
Ou, du binocle armés, regardent un tableau.
- Moi, j'écoute le son de l'eau tombant dans l'eau.

Merci à http://www.teaser.fr/~vdisanzo/spiral65.html

3 commentaires:

  1. Nous serons au moins deux à suivre le même traitement, mais voulons-nous vraiment guérir de cette maladie du bonheur?...
    Bon dimanche!

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  2. J'aime ce poème sans prétention qui dit, avec de jolis mots, ce que j'ai ressenti lundi dernier en voyant mon jardin avec ses jolies fleurs dévasté par l'orage. Moi, c'est donc la partie "Dans les chemins sablés"..."riant trésor" qui me parle le plus.

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  3. Quand il pleut à torrent, chacun trouve sa source de passe-temps, naturellement. Momentanément, j'aime observer le déluge, d'un abri, d'un refuge... " j'écoute l'eau tombant dans l'eau !" comme vous. Si ces pluies diluviennes perdurent, je plonge facilement dans un flôt d'écriture, ou embarque à bord d'une expédition..., d'une exposition, gravure, sculpture, peinture... Mais aujourd'hui il fait très beau, le plein air c'est ce qu'il me faut ! Bon Dimanche ;-)

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Et un gros MERCI !!!!

Humeur du jour

 Un si long silence! Au début, j'étais préoccupée par de nombreux rendez-vous médicaux puis le non désir pointa son nez et je m'éloi...