Lettre d'un directeur d'école , trouvée sur l'excellent blog de Luc Cédelle, journaliste éducation au Monde
J'ai connu si souvent cette situation pendant mes 17 années d'enseignement en ZEP, que je ne pouvais rester immobile devant ce message. J'ai connu tant de situations absurdes, ubuesques que je pourrais en remplir les pages d'un livre. Pauvres enseignants, pris entre les feux des directives " d'en haut " et le terrain bigrement différent des écoles idéalisées et rêvées par nos énarques de l'éducation nationale!
"Tous les enfants de deux à trois ans, absolument tous n’iront pas à l’école cette année dans mon quartier. Pourtant 18% des enfants de 2 à 3 ans sont accueillis à l’école en France.
Areski (tous les prénoms ici ont été changés), élève handicapé mental, n’a pas eu de place en UPI (unité pédagogique d’intégration, dispositif permettant le regroupement pédagogique, au sein des collèges ordinaires, de pré-adolescents et d’adolescents présentant un handicap); pour l’instant, il est revenu en CM2, encore un peu surpris de la situation. Si je n’avais pas proposé cette solution, il aurait été scolarisé dans une 6ème banale, alors qu’il ne sait pas encore déchiffrer. J’ai donc évité de justesse le suicide d’un prof de français…
Nawelle ne viendra pas à l’école car sa maman a été expulsée de son logement. En errance, la maman ne sait plus où il faudrait l’inscrire et ne veut plus s’en séparer.Mélanie et Jérémie sont à la rue aussi, hébergés temporairement avec leur maman et leur frère ainé chez des amis, à 25 kilomètres de l’école. Ils sont fatigués car ils ont été expulsés le 17 juillet et ils ont passé l’été d’hébergement en hébergement.
Les mamans masquées de niqab n’ont plus le droit de rentrer dans les écoles. C’est dommage d’avoir attendu tant de temps pour une réponse de bon sens. C’est dommage de ne pas être capable de nous l’écrire. Pour l’instant, c’est une consigne orale et les directeurs doivent se débrouiller avec.
La mairie nous a affecté un autocar pour une sortie pédagogique le jour de l’Aïd (21 septembre). Comme trois quart de nos élèves sont musulmans, j’ai appelé pour que la date soit modifiée : réponse de la mairie : l’école est laïque, on ne va pas changer. Sauf que les maîtresses d’école ne veulent pas sortir sans leurs élèves….
Les 1500 euros de subvention à notre bibliothèque ont été supprimés il y a deux ans. Ils ne seront pas rétablis, car le ministère à d’autres priorités : c’est vrai, lire des livres dans les écoles, quelle idée surprenante…
Nous n’avons pas reçu les masques anti viraux, nous n’avons pas reçu les poubelles à couvercle, nous n’avons pas les consignes de nettoyage des poignées de porte et nos boîtiers à savons sont très souvent bouchés. Par contre nous avons bien reçu toutes les directives et toutes les consignes d’utilisation.
Ce matin, 248 enfants étaient très contents de revenir à l’école et cela, cela seulement nous soutient. Une quinzaine ne se sont pas présentés et je les recherche activement… Demain, j’appellerai la Cimade pour savoir s’ils en ont dans les fichiers en rétention.
Dernière minute : j’ai eu peur pour rien, tous mes petits ressortissants d’un pays étranger que je ne nommerai pas sont revenus. Ils ont passé l’été dans leur bidonville sans même être expulsés."
Je me permets de faire passer à d'autres collègues. Merci.
RépondreSupprimerEt oui...Les collègues qui ont la malchance d'être plus jeunes que nous et donc pas encore à la retraite sont confronté(e)s chaque jour aux distorsions entre discours officiels, les exigences ministérielles relayées par les Inspecteurs d'Académie et de l'Education Nationale, et la dure réalité du terrain, bien éloignée de ce qu'imaginent nos têtes pensantes...
RépondreSupprimerLa lassitude, la fatigue des journées, sérieusement augmentées par l'aide personnalisée, sont le lot des enseignants, et ceux qui ne partagent pas leur quotidien ignorent comme ce métier est difficile et usant, physiquement et nerveusement...
Mais non, mais non...all is very good for all of us... :o(((
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