De jolies pépites de Léon-Paul Fargue... Je savoure..
"La rue est triste comme une porteuse de pain
congédiée, et toutes les maisons ont mis leur tablier gris.. Là-haut les marches vieilles et caves tou- chent ce ciel songeur qui est le front de toutes choses.. Un quinquet penche sa tête creuse où brûle encore, comme un rappel de fièvre au soleil neuf, la huppe d'une pensée, d'une vieille pensée qu'on n'a pas tuée.. L'aube se hausse pour mieux voir.. Et de vieux murs se sont rajeunis !.. La pie qu'on a oublié de rentrer et qui a passé la nuit à la fenêtre nous le raconte en balançant sa cage...."
"J'allume pour nous deux les lampes.. Une parole
heureuse, un visage de femme, une fenêtre brû- lante, des voix connues passent et se brisent.. Ah je voudrais serrer tous les souvenirs sur ma poitrine, en bouquet, pour te les offrir. Mais ils sont lointains comme des signaux. Signaux du soir, avec leur douceur menaçante.. Fanaux des trains et des bateaux, qui ont toujours ce regard triste.. Signaux d'amour, tendres et fins comme des cœurs à la fenêtre.. Signaux du ciel, un peu perdus, comme des fleurs dans un champ d'ombre... De beaux accords plans se recouvrent. La mer qui remonte. Un rayon de Chopin m'arrive — et fait la lumière où je veux m'étendre — sans plus rien dire — avec un ami qui sache tout de moi-même, qui me reproche tout — et qui me pardonne.. "
"Mauvais cœur... souffle une voix nocturne. Et
je songe à l'enfant que j'ai battu jadis, dans un jardin d'automne tout encagé d'or. — Ce fut un jour étrange, en vérité. Le soleil donnait sa langueur cà tout. Des conseils d'amour et de mort parlaient par les bruits les plus vagues. On avait envie d'embrasser les beaux enfants qui jouaient dans les parcs, auprès des jolies mères, ou de les frapper... Nous courions sous des arbres très hauts, bien pris dans la lumière, et qui secouaient parfois leurs chaînes de songes, de toute leur taille, à grands bras tristes. ... Le vent remuait ses plis lourds pour aller tourner plus tard, ailleurs, une ronde sableuse en forme de crosse, avec un bruit lin et qui se calme... "
Merci à http://www.archive.org/stream/pomessuivisdep00farg/pomessuivisdep00farg_djvu.txt
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