dimanche 22 mars 2015

Dominique Sampierro

«Boire le ciel est une vieille coutume dans le Nord. Dès les premières tétées, au sein ou au biberon, petite blancheur sous la peau ou le verre, la mère s'assoit, voie lactée docile, près d'une lucarne ou d'une fenêtre, et s'il fait bon, dehors, en plein ciel, sur une chaise de paille. Les yeux de l'enfant s'ouvrent, se ferment, et le lait glisse en lui avec les oiseaux, les nuages, le bleu et le gris du vide..»."

"J’ouvre la fenêtre. La nuit mange les arbres et le ciel. La maison s'éteint doucement comme un regard derrière les paupières. Une lumière bleutée s'est assise en posant ses grandes mains sur la table. Je parle à cette présence qui ne se prononce pas et je pense à tous ces mois passés sans écrire, comme une écharde en plein coeur. Le même sentiment que la peur. Elle me répond avec des ombres au parfum de femme, poivré sous les aisselles, floral au creux des lèvres.


Les hauts et les bas de la lumière en ces jours d'automne. À savourer dans la douce convalescence. Le corps invisible de l'air enflamme la fenêtre de nuages et de reflets gorgés du désir de la pluie.

La vie attend de s'engouffrer du ciel vers les fenêtres, du vide vers les corps. Dieu parfois tient dans cet élan qui réchauffe les visages. Quand il s'absente, le masque du manque est terrible. Comme si le cadavre mourrait deux fois."

"À force de tendre l'oreille, les mots roulent comme des agates de nuage, des billes pleines à ras bord de crêtes de coq, de queue de paon, de petites fleurs brûlées. Puis je souffle sur le verre juste avant de viser, calots que l'on bouscule à dix ans dans un triangle tracé à même la poussière, pour gagner ceux des autres et dormir avec des oeufs plein de ciel sous les couvertures, à l'abri du manque.


Oui, enfant, j'ai parlé à mes billes comme à des jeunes filles, des présences douces et chaudes sous mes doigts et à force de les serrer très fort, j'ai appris que je ne caressais qu'un peu de fragilité et de transparence, comme, aujourd'hui, la danse du vide entre ces lignes. Depuis, je me blottis contre la page comme si c'était le ciel, j'attends que ça passe, les images, les souvenirs, et toutes les brûlures d'aimer, l'impatience et le souvenir, mais non, rien ne passe, le temps est rayé, le chant du coq, en plein après-midi, déchire l'ordre du monde et le moteur de l'imprimante bruisse doucement en attendant de recracher la lumière.

Je sais qu'écrire me rend mes agates à l'instant le plus pauvre de ma présence."

 « La poésie chuchote le lieu. Mais l'arbre aussi. L'insecte. Le caillou. Le nuage. L'eau. Le feu. L'abeille et le pollen. Tous chuchotent les uns dans les autres et continuent de pleurer, de se croire seuls, séparés, abandonnés, jusqu'au moment où le lieu à nouveau les traverse, puis se traverse lui-même. Genèse et apocalypse se sourient. Dehors les chiens, les sorciers, les impurs, les assassins, les idolâtres et celui qui s'est plu, un jour, à créer le Ciel et la Terre ! Dehors celui qui dedans se tait puis tout à coup s'exclame et parle à notre place par notre bouche. Dehors celui qui se trompe pour aimer l'homme dans son erreur et toute présence dans son envers. Dehors enfin tout le dedans et sa Toute Splendeur de vacuité. »


"Je retrouve mes larmes comme mes propres enfants, le plus fragile de moi-même ne m'effraie plus, au contraire, je me laisse envahir, et la pluie, au-dedans comme au-dehors, lave ce que je ne sais ni de moi ni du monde, et qui me brûlait le cœur."

Dominique Sampierro

J'aimerais trouver les mots justes pour expliquer ce que je ressens à la lecture de ceux de Dominique Sampierro. Une émotion vive jusqu'aux larmes qui montent aux yeux, la "re-connaissance" de mots qui me touchent  l'âme, la sensation curieuse de le connaître, d'être au diapason de son monde entre la douceur et le cru.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :

1) Ecrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessous
2) En dessous de Choisir une identité, cocher Nom/URL
3) Saisir votre nom (ou pseudo) après l'intitulé Nom
4) Cliquer sur Publier commentaire

Voilà : c'est fait.
Et un gros MERCI !!!!

Humeur du jour

 Un si long silence! Au début, j'étais préoccupée par de nombreux rendez-vous médicaux puis le non désir pointa son nez et je m'éloi...